Le Dauphin, 1757 (The National Archives, Londres). Photo: Isabelle Duguine (IKER, UMR5478)

 

Étudier les cartes du navire Le Dauphin, indispensable pour connaître la langue basque, l’euskera, et la société basque du XVIIIe siècle.

Le chercheur Xabier Lamikiz a trouvé 47 lettres écrites en basque dans The National Archives de Londres en 2003. Il s’agit de courriers rédigés et envoyés en 1757 par des habitants de Lapurdi à des membres de leurs familles résidant dans la ville canadienne de Louisbourg, transportés par le navire Le Dauphin. Ce sont de précieux documents historiques qui nous font découvrir l’euskera et la société de Lapurdi de l’époque.

Le 9 avril 1757, trois navires de guerre britanniques capturèrent le navire français Le Dauphin. Il était parti de Bayonne en pleine guerre et avait traversé l’Atlantique en direction du Canada. Outre le bateau, les Britanniques séquestrèrent tout ce qu’ils trouvèrent à bord, dont les documents, parmi lesquels se trouvaient 50 lettres écrites en basque, par 48 habitants de Lapurdi à 45 personnes de la ville canadienne de Louisbourg.

« Les lettres écrites en euskera en 1757 sont de précieux documents historiques permettant de connaître les caractéristiques de l’euskera de l’époque, qu’il s’agisse de l’euskera culte ou de la langue familière ».

Même s’agissant d’un navire corsaire, Le Dauphin effectuait également des échanges commerciaux. La plupart des marins étaient originaires de Saint Jean de Luz, Azkaine, Urrugne, Ciboure, Saint-Pée-Sur-Nivelle et d’autres localités proches. Les lettres étaient écrites par 35 femmes et 12 hommes de Lapurdi et étaient principalement destinées à des hommes qui avaient émigré du Pays basque à Louisbourg. La plupart étaient des lettres écrites à des enfants, des maris, des frères ou des amis. On leur écrivait entre autres pour leur raconter des nouvelles du village, pour leur annoncer des décès, pour leur parler de la guerre, pour leur interdire quelque chose ou pour leur donner l’autorisation de faire quelque chose. Un grand nombre de lettres montraient néanmoins un mal-être, les expéditeurs se plaignant de ne pas recevoir d’aide financière, accusant les destinataires d’entretenir des amours « de l’autre côté » et reprochant l’absence de réponses à leurs lettres.

Une information précieuse disponible

Les chercheurs considèrent que les documents trouvés à The National Archives de Londres est une source précieuse pour analyser l’euskera parlé à l’époque : ils permettent d’en analyser l’orthographe, le lexique, la morphosyntaxe et d’autres caractéristiques de l’euskera. On observe d’autre part la différence entre l’euskera culte utilisé dans la littérature de l’époque et la langue dans laquelle les habitants écrivaient. Il est d’une certaine manière possible d’en déduire le niveau d’alphabétisation et de scolarisation de l’époque. Ils nous aident par conséquent à découvrir à quoi ressemblait la société de Lapurdi au XVIIIe siècle.

Les chercheurs jugent qu’il est intéressant de consulter les documents qui n’ont pas encore été analysés dans les archives de Londres puisqu’on pourra en tirer des informations supplémentaires. Mais, à la différence des habitants de Lapurdi, Behe Nafarroa et Zuberoa, les Basques des provinces du Sud écrivaient leurs lettres en espagnol, même s’ils parlaient euskera entre eux. Les chercheurs pensent que l’étude des documents de Londres pourra apporter d’avantage d’informations à ce sujet. 160 000 lettres datant de 1652 à 1815 ont de fait été trouvées et étant donné que les documents sont écrits en plusieurs langues européennes, il peut être enrichissant de les comparer avec des écrits d’autres langues et d’autres domaines.